A faire au Québec, l'hiver...
Et bien non! Ce blog n'est pas mort, il hiberne, tout simplement, en attendant que son proprietaire veuille bien trouver la force de le faire revivre. Et ca tombe bien parce qu'aujourd'hui il se sent capable de prendre le temps de : selectionner des photos, les reduire, les mettre en ligne, ecrire un article long et si possible interessant et mettre le tout en forme pour le plaisir d'une poignée d'aficionados qu'il remercie au passage.
Et maintenant il va arreter de parler de lui à la troisième personne parce que ca sonne pas net...
...L'hiver est fini, le printemps montre franchement le bout de son nez (25°C recemment, à suivre dans un prochain article) et on me rappelle qu'il n'y a toujours rien sur le blog à propos de ces quelques jours passés dans une pourvoirie à chevaucher des motos et des chiens. Il est temps pour moi de reparer ce manquement et de conter l'une des plus formidables aventures que l'on puisse vivre au Québec.
D'abord il faut savoir que cet hiver a été le plus doux jamais enregistré dans l'histoire du Québec. Il est tombé en cumulé environ 70 cm, ridicule par rapport aux 3m de l'an dernier – et il faut parait-il en imputer la cause à El Nino, phenomene climatique mondial qui se manifeste tous les 15 ans et qui a été particulierement virulent cette année à voir les quantités de neige qui ont envahi l'Europe. Quelle surprise au passage quand je suis rentré à Noel de survoler les plaines autour de Paris couvertes de neige.
En prevoyant un voyage debut fevrier je ne m'etais meme pas posé la question et j'avais ordonné à mon oncle (en "permission" pour une semaine :) d'acheter chaussettes, sous-pantalon, sous-pull et compagnie. "Attention, -30°C tu te rends pas compte, tu vas perdre un pied si tu t'equipes pas bien!".... Finalement, une semaine avant qu'il arrive, nous sommes repassés dans le positif et le peu de neige qui est tombé commencait à fondre. J'ai bien cru que le sejour allait etre compromis, mais coup de chance, juste avant qu'il arrive il s'est remis à faire un froid raisonnable de l'ordre de -10°C, suffisant pour garder la neige au sol et la glace sur les patinoires.
Pour mon oncle Christian, l'aventure commence par quelques journées de decouverte de la ville en solo pendant que je bossais, quelques bons restos et une petite demonstration de hockey amateur par son filleul préferé! Puis decollage de Montréal pour Mont-Laurier, à 2h30 de route, dans cette voiture : une solide Dodge Caliber.
Il n'est jamais recommandé de prendre la route avec rien dans le ventre alors avant de partir, passage obligé à "l'oeufrier", resto specialisé dans les petits dejeuners gourmands que ceux qui sont venus ici connaissent bien. Un classique de Montréal! Le melange sucré (fruits, crepes etc) et salé (bacon, oeufs) n'enthousiasmait pas le tonton au départ mais il a vite changer d'avis et n'a ensuite mangé que ca tous les matins!
Au programme du séjour : une petite journée à Ottawa pour visiter le musée des civilisations, ensuite on remonte vers le Nord pour 3 jours au coeur de l'hiver, à des dizaines de kilometres de tout village, pour deux jours intensifs de motoneige, et une dernière journée partagée entre initiation à la conduite de traineau à chiens et petite rando en raquettes. Plus une voire deux petites surprises....
Vite fait, voila Ottawa et son fleuve gelé. Problème recurrent pendant le sejour: prendre des photos sans martyriser l'appareil et sans perdre une phalange à cause de froid qui attaque fort quand on sort les mains des gants. Seule solution, faire vite!
Le debut du trajet se passe sans encombre, c'est la fin qui a été plus compliqué à cause d'une negligence de ma part. J'etais convaincu qu'en arrivant au centre du petit village avec le GPS on verrai un panneau vers la pourvoirie. Or nous sommes arrivés sur une assez grosse ville sans aucune indication. Coup de fil au gite où on nous explique qu'il reste 50 min de route dans la pampa. Le GPS nous lache bientôt car la zone n'est plus couverte et nous voila en pleine nuit à chercher un petit chemin qu'heureusement on finit par trouver! Ce petit chemin - entierement verglacé - s'enfonce dans la foret sur une distance indeterminée. Et plus on avance plus on se dit qu'on s'est trompé. Il n'y a aucun panneau et au bout de 20 km on doute franchement. C'est alors qu'on voit un panneau et une fleche au nom de la pourvoirie. On se dit que ce n'est pas le moment de tomber en rade, nous sommes au fin fond des bois, il fait -15°C, le telephone ne passe pas et on a aucun materiel de survie!
On arrive finalement à la pourvoirie apres 32km de ce qui ressemblait à une speciale de rallye en Suède.
Voila la pourvoirie, notre recompense après ce trajet un peu trop long. Le froid, les guirlandes, on a l'impression d'arriver chez le Père Noël!
Au passage, une pourvoirie, c'est en gros un établissement qui offre hébergement et services pour les chasseurs et pêcheurs, et tous les gens à la recherche de vacances-nature. Les exploitants ont aussi un droit de braconnage, c'est d'ailleurs pour ca qu'on a croisé autant d'animaux empaillés, comme celui-ci par ex, à qui j'ai fait sa fête :
Il parait que celui-ci est de taille normale et que "il y en a autant au Canada que de pigeons chez vous" (sic) !
Plus placide comme animal mais tout aussi dangereux quand on s'ecrase dessus en motoneige, le célèbre orignal :
Premier matin, reveil aux aurores, spectacle grandiose. On se prend pour des aventuriers au depart pour le pôle Nord !
Pour attaquer la journée comme il se doit, "le dejeuner du trappeur" s'impose. En gros, c'est la totale: bacon, patates, oeufs, fruits, jus d'orange, crepes, toasts, café. Vu la quantité de calories qu'on brule avec le froid, c'est vivement recommandé de bien manger, et on ne se prive pas!
Ensuite on s'equipe en materiel d'hiver, je mets toutes les couches et sous-couches disponibles. Il fait -23°C ce matin sous abri. Je n'ose pas imaginer combien il fait en roulant...
Petit cours sur les rudiments de la motoneige et les regles de securité. C'est ultra simple, "tu pèse su'l ptit piton" pour avancer, tu laches tout pour ralentir et tu ne double jamais le guide.
Allez, c'est parti! Premiere impression: c'est enfantin à piloter, il n'y a rien à savoir. Deuxieme impression : nom de dieu quel coup de pied au cul! Ca a une gouache que je ne soupconnais pas, on a beau être sur la glace, la chenille accroche mieux que sur du bitume. Troisieme impression: il fait pas froid finalement avec le bon materiel sur le dos. Quatrième impression: tiens, j'ai les doigts qui piquent.
Mes points sensibles auront donc été: le cou, partie la plus exposée finalement, coupé de l'exterieur par une simple echarpe, et les doigts, exposés au vent direct et planqués dans de mauvais gants. Heureusement les motoneiges Bombardier sont bien foutues, les poignées sont chauffantes. "Bon alors les poignées chauffantes vous pouvez soit les laisser eteintes, soit les mettre sur 1 soit sur 2". Ok, elles resteront calées à 2 pendant tout le trip !!!
Aperçu de nos combinaisons de Bibendum.
Christian le ninja
Nos fiers destriers, flambants neufs.
Et notre guide, un mec à la cool :)
Dans les sentiers la neige est correcte mais sur certains passages on apercoit le sol, on se dit qu'on a du bol et on a raison, une semaine après les sentiers sont devenus impraticables.
3 à 4h de raid plus tard, on s'arrete manger dans une cabane à sucre, lieu qui regroupe resto de degustation de produits de sirop d'erable et production dudit sirop.
Le repas a duré près de deux heures pendant lesquels on s'est empiffrés (ca creuse le grand air) du repas typique des grandes occasions: specialités locales, gras de cochon frit, patates, fayots etc, le tout nappé de VRAI sirop d'erable. Pour finir, desserts (avec un S) à base de sirop et avant de partir, hophophop, vous allez bien nous gouter la tire sur neige. Specialité aussi : on verse le sirop chaud sur la neige, il se solidifie et ca fait une sucette. La troisieme sucette commençait à etre de trop... De retour sur la motoneige j'etais pris entre une envie de dormir, une envie de vomir, et une vague interrogation sur les consequences médicales de l'hyperglycémie ...
Aussi curieux que ca puisse paraitre le soir même on mangeait à 20h d'un appétit d'ogre un autre repas moins calorique certes, mais toujours labellé "repas de trappeur", un truc solide quoi. On est completement nazes à 22h et on tombe dans un sommeil de plomb. On vient quand même de s'envoyer plus de 200 bornes de moto!
Le lendemain, poursuite de la balade dans les sentiers à un rythme d'environ 60 km/h. Ca semble peu mais quand on defile au milieu de petits chemins bordés d'arbres et avec des enervés qui arrivent en face, c'est pas mal 60km/h.
Seule petite disgression quand on a traversé un lac gelé. J'ai laissé le guide prendre de l'avance et j'ai pressé le bouton à fond pour voir à combien ca montait ces engins. Quel sensation de liberté de pouvoir monter à 120km/h sur une étendue gelée à perte de vue! Je braillais comme un damné dans mon casque ! Wouuuuhouuu!
Pour les gens techniques, nos motos etaient des 650, on en a croisé des 800 1000 1200...
Petit arrêt au milieu du lac pour apprecier le point de vue:
Ensuite on s'est lancé à l'ascension de la Montagne du Diable, pour y apprecier le panorama :
Moment de contemplation zen!
On redescend et on file à une autre pourvoirie pour y casser la croûte. L'orignal dans l'une des photos ci-dessus vient d'ici. Tenez-vous bien : il a été tué à l'arc! et par LA proprietaire des lieux... Ok madame!
Après ça, ravitaillement à la station service. C'est banal mais ça fait bizarre de traverser un village en motoneige, et ca fait encore plus bizarre de croiser ce genre de tracteur :
La journée se termine, on est bien raqués, comme on dit ici. De retour à la pourvoirie, on boit une bonne bière au coin du feu avec notre guide puis on file au sauna pour transpirer tout le sucre de la veille.
C'est un sauna, il y fait chaud et sec. Au bout de 30 min on ne tiens plus et on file au jacuzzi, qui se trouve être à l'exterieur, à 10m du salon. Au pas de course, et vetus d'une simple serviette, on fonce. Le temps d'attendre 3 secondes que Christian rentre dans le bain, mes pieds se retrouvent coller au sol par la glace. J'entends un scratch quand je tire dessus!
Dans le jacuzzi, on est au top, la tête à -15°C, le reste du corps à 40. On relaxe, on jase... Puis on parle de cette tradition scandinave qui consiste à sortir du sauna et à se jeter directement dans un lac gelé.... et il se trouve qu'il y a un trou dans le lac en contrebas prévu à cet effet...
Je vous rassure, on ne l'a pas tenté, parce que le trou est vraiment loin, qu'il fait nuit noire autour du lac, et il faut bien l'avouer, parce qu'on n'a pas eu le courage!
Par contre, puisqu'on est là, c'est le moment de faire une expérience pas ordinaire. Il parait que se rouler dans la neige c'est revivifiant. Ok, allons-y, chacun notre tour! C'est assez curieux, on ne ressent pas grand chose finalement, à part peut être une sensation de brulûre quand on retourne dans l'eau. Peut être que nos cris primitifs nous anesthesient l'espace de quelques secondes! En tout cas, voilà la surprise dont je parlais plus haut. On ne s'attendait pas à faire cette experience et on ne l'oubliera pas de si tôt!
"raaaah raaaah brrrr ouuuuh wawawawa" :-)
Le lendemain matin, changement d'univers, on laisse le bruit la puissance et les odeurs d'echappements pour la quietude d'une balade autour du lac sur un traineau à chiens. Le programme : piloter notre propre traineau en suivant le guide devant nous. L'un de nous deux fait la marchandise pendant la moitié du trajet puis on inverse.
40 huskies reunis en meute et hurlant à la mort ca fait de l'effet (et du bruit!). C'est vraiment impressionnant, ce sont des loups, litteralement. Il faut les voir montrer les crocs et se battre les uns les autres. D'ailleurs l'un des conseils les plus importants du guide : "si vous voyez qu'ils se battent dans l'attelage, vous criez mais vous n'essayez pas de les separer. Si vous mettez votre main ils vont vous la bouffer". Ok, c'est noté!
"son meilleur chien" selon le guide
ces deux-là se sautaient sur la gueule regulierement
lui c'est un gentil :)
Petit cours rudimentaire sur la technique de freinage et nous voila partis. Je commence au pilotage pendant que Christian fait le colis.
Wow! Ca n'a pas la puissance ni la vitesse d'une motoneige et pourtant c'est bien plus impressionant parce qu'on ne contrôle rien! Les chiens avancent en permanence et pour les faire stopper il faut vraiment monter à pieds joints sur le frein.
Mise à part ça, suivre le guide est plutôt simple. Les chiens sont bien rodés mais on sent bien qu'il suffirait de peu pour qu'ils fassent n'importe quoi. C'est un metier musher, ca s'improvise pas!
Balade paisible avec pour seul trouble le bruit de la neige qui craque, des chiens qui jappent et du guide qui siffle ses ordres. On se sent à des années-lumières de la motoneige et d'u même coup beaucoup plus proche de cette nature qu'on culpabilisait un peu de souiller la veille.
Ci-dessous, la premiere video est courte, la seconde plus longue :
Arret en cours de route pour changer de pilote et pour discuter avec le guide de la sauvegarde de la foret quebecoise, assis sur des lits en branches de sapin dans une toile de tente de fortune.
Mini rando en raquette sans grand interet pour cloturer le séjour.
Je concours pour la photo de l'année au calendrier de la Poste :)
Le soir même, retour à Montréal avec des images plein la tête et dernière petit surprise, une biche toute proche au bord de la route. On s'arrête, on saute sur l'appareil photo, on mitraille avant de se rendre compte qu'elles sont en fait une dizaine. Elles sont juste venues manger à un mangeoire proche d'une maison...
Le lendemain, dernier jour avant le retour en France, j'emmène Christian vivre une autre expérience unique: faire du patin - ce qui est deja une experience serieuse quand on approche la 50aine et qu'on en a pas fait depuis 30 ans - sur une riviere gelée!!
6 km de riviere ouverte à la population, un bon trip, un ou deux gadins et autant de frayeurs mais finalement pas trop de bobos... chapeau le tonton !
Voila, j'espere vous avoir donné le goût de decouvrir le Québec l'hiver, et si l'aventure vous tente, je suis encore là l'hiver prochain... :D
Prochain article: New York City...