Tricatel ou la restauration moderne

Publié le par Fly

 La fin d'année approche. A une semaine des vacances et du retour au pays  - pour deux semaines de repos/repas et de sports d'hiver – j'aurai pu faire un article sur le sujet brûlant à Montréal cette semaine: la première tempête de neige de l'hiver et le changement radical de décor et de mode de vie qui en découle. J'aurai pu y ajouter des photos de cet évenement que tout le monde attend ici avec impatience... mais je n'en ferai rien! A la place, je vous ai concocté tout autre chose. En ce temps des fêtes et des traditions, je vais respecter deux traditions bien françaises: se plaindre et parler de bouffe...

J'y ai longtemps réflechi -je le fais ou je le fais pas? - et puis finalement je me suis dit que le moment était venu. Je me devais d'evoquer ce sujet qui m'horripile depuis maintenant plusieurs mois. Ce sujet, c'est la malbouffe, vous l'aviez deviné.

Je passerai outre les petits details qui sont plus liés à une difference culturelle qu'à un defaut d'alimentation, comme par exemple le fait que les portions soient souvent trop grosses (500g de pates dans l'assiette là où 250 auraient suffi), que le fromage soit utilisé en abondance, que la proportion de viande par rapport aux legumes soit souvent superieure à 50% ou bien encore que les plats soient trop salés.
Tout ca, ce n'est rien en verité, parce qu'ici comme partout, avec un peu d'effort on peut manger très correctement. Il y a par exemple un marché à quelques stations de chez moi (oui oui, un vrai marché comme sur la place du village!) où on peut acheter tous ses produits frais et à des prix raisonnables. Boucherie, poissonerie, primeur, fromager etc)
En terme de produits de qualité d'ailleurs, le Québec est très bien loti, il produit de bonnes viandes et d'excellents fromages – il y en aurait plus qu'en France m'a-t-on dit. Je tiens à le préciser car je ne voudrais pas qu'on finisse cet article en pensant qu'on est obligé de s'abimer la santé en habitant ici... On est pas obligé, mais si on est pas vigilant et assez courageux pour aller loin faire ses courses, on peut vite se faire grignoter par la facilité et finir par prendre tous ses repas chez le pizzaïolo du coin qui fait les immenses pointes de pizzas à $2.5 soit même pas 2 euros.

Pour en revenir au titre de cet article, j'imagine que pas mal d'entre vous se rappellent de ce nom – TRICATEL – et du film dans lequel il figure: L'aile ou la cuisse. Chef d'oeuvre de l'humour franchouillard des années 70 et éternel réference au Panthéon de mon Cinema, aux cotés des Charlots, du Grand Blond ou des Gendarmes, ce film est une satire, raillant tour à tour les grands pontes de la Gastronomie élististe, apôtres du bien mangé, et les nourrisseurs de bétail, patrons des firmes de l'industrie alimentaire.

tricatel 6
Pour vous replonger dans le contexte, voici le pitch:
« Charles Duchemin (Louis de Funès), le directeur d'un guide gastronomique mondialement connu, qui a l'habitude de visiter incognito les restaurants de l'Hexagone sous les déguisements les plus divers, vient d'être élu à l'Académie française. Il décide alors de prendre sa retraite dès la parution de la dernière édition de son guide et prépare donc son fils Gérard (Coluche) à prendre sa succession. Cependant, ce dernier n'est guère passionné par le monde des affaires et anime en cachette une petite troupe de cirque, sa véritable passion.
Mais Charles, défenseur d'une gastronomie traditionnelle et de qualité, souhaite partir sur un coup d'éclat et se trouve un adversaire de taille en la personne de Jacques Tricatel, P.D.G. d'une chaîne d'établissements de nourriture industrielle. Le père entraîne alors son fils dans son ultime croisade...»

tricatel 1 tricatel 2
tricatel 3 tricatel 4
tricatel 5 tricatel 7

Bien. Mémoire rafraichie. On peut entrer dans le vif du sujet...Alors, pourquoi je vous parle de ce film? Parce que cette semaine – c'est un exemple, il y en a bien d'autres – au self de ma boite, j'ai pris poulet, par dépit comme bien souvent. Chaque jour on nous propose: pizzas-laitue ou pizzas-frites / pates-boulettes de viande / burger-frites / plat-du-jour / plat « cuisine du monde ». Les pizzas sont des tartes au gras, les boulettes tirent sur le verdâtre et le steak du burger est bien trop pâle pour être honnete, ce qui fait qu'on a le choix entre le plat du jour et le plat dit « élaboré ». Celui-ci consiste en un lit de riz ou de pates, surplombé de legumes – legumes = choux, brocolis, oignons, haricots, poivrons – et sur-surplombé de porc ou boeuf. Ce n'est pas mauvais (une fois retirés les choux, les brocolis et les oignons :) mais c'est invariablement la même chose chaque jour. Il faut donc parfois se plier à choisir le plat du jour. Et le plat du jour, c'est une experience, au sens scientifique du terme! Et c'est là où je veux en venir avec cette reference à L'aile ou la cuisse (Haaaaaa, enfin!).
En effet, le poulet qu'on me sert a la forme d'une escalope de poulet, ce qui fait que de loin je prends ca pour du poulet, naif comme je suis. En fait, ce n'en est pas! Apres une étude approfondie de mon assiette j'ai decouvert que ce que je mange est une pâte colorée aromatisée. On le voit aisement au fait que la chair soit d'une couleur absolument uniforme, qu'il n'y ai aucun nerf ou quoique ce soit, et qu'elle se coupe comme du beurre. Il faut donc en deduire que l'on a aucune idée de ce qui est entré dans la machine qui a produit la pâte qui a ensuite été moulée pour lui donner la forme d'une vraie escalope!!! Et c'est là où je tombe de ma chaise... donner une forme de vraie escalope, ni trop deformée pour ne pas rebuter le consommateur, ni trop « batonnet de poisson pané », pour que ca ressemble à un produit naturel. Un beau travail pour tromper le consommateur (je pense aux enfants) qui se transforme progressivement en machine à digerer.
Le parallèle avec "L'aile ou la cuisse" est facile à faire. Ce film, qui date de 1976, mettait déjà en garde contre les derives de la bouffe industrielle, dirigée par les profits plutot que par la satisfaction du client. A l'epoque c'etait drole, parce que totalement surréaliste, aujourd'hui c'est réaliste, et c'est beaucoup moins drôle...
Dans l'extrait suivant on voit la fabrication d'un poulet et d'un poisson, et je me (de)plais à penser que c'est de cette façon qu'a été produit mon escalope de poulet...


L'aile ou la cuisse, un film d'anticipation!

On est ce que l'on mange. En voulant réduire l'Homme à sa seule fonction digestive, l'industrie alimentaire nous transforme petit à petit en un element de sa chaine de production (de fric, bien sûr). Elle rentre dans une machine un produit optimisé (des poulets developpés pour naitre sans plumes par exemple, gain de temps), le transforme en matiere organique générique (utilisable dans x types de produits, nuggets, escalopes, plats preparés), l'aromatise au choix (avec un nombre restraints de "saveurs" Saveur poulet? barbecue? boeuf?...) et sort un produit standardisé, prévu pour satisfaire des consommateurs peu exigeants, et se transformant lentement en broyeurs à déchets.
Comme souvent, je me demande comment se passent les réunions de lancement de ces produits. Est ce que tout le monde est d'accord? N'y en a-t-il pas un seul pour emettre quelques réserves? Ca me fait penser à une série dont j'ai vu les deux premiers épisodes: "Better Off Ted". La vie d'un service de recherche d'une multinationale sans aucune éthique (on pense evidemment à Monsanto). « -Ted, on a besoin d'une souris qui résiste à 195°C. - Ok, on peut le faire. Euh...l'animal ou le périphérique d'ordinateur? -...... hmmm, je reviens ».

En voici deux extraits:

 

 

 


Je vous laisse le soin de conclure sur le sujet, pour ma part je vais fournir juste un dernier petit exemple pour enfoncer le clou: cet été, il y a eu un repas barbecue au self. Au menu, cotelettes de porc et legumes. Pour rappel, les cotelettes c'est de la viande de cochon (vous savez, l'animal rose qui nous ressemble) sur un os. Or, au premier coup de couteau, surprise, ce que j'ai dans l'assiette à la forme de cotelettes, mais en fait c'est une bouillie de viande moulée en forme de cotelettes!!! Même les os n'étaient pas des os, c'etaient de la viande compressée!!! J'en suis resté bouche-bée...

Prochain article, ce sera sur les joies et les dangers de la vie sous 0°C...
Bonnes Fêtes de fin d'année, gavez-vous bien et... Bon Appétit bien sûr !

Publié dans Vie quotidienne

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
<br /> Salut,<br /> Votre blog est pas mal du tout c'est sympa le contenu continuez comme ça.<br /> Je suis graphiste depuis septembre arrivé à Montréal je vous invite à jeter un oeil à mes quelques créa à cette adresse : http://www.nicolaslizier.com/<br /> Il y a aussi une nouvelle communauté qui a vue le jour son nom : Créa'arts graphique<br /> vous y êtes bienvenue.<br /> A bientôt<br /> Nicolas au Canada<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> coucou mon petit fly, oui c'est dur la réalité mais c'est vrai on bouf de la merde maintenant!!!! je te ferai un bon petit plat le 26 bisous<br /> <br /> <br />
Répondre
B
<br /> Tiens curieusement cela me rappelle une bonne entrecôte "made in France in Canada (or USA)" fraichement broyé, industriellement mastiquée puis moulée qu'on coupe à la fourchette. On peut au moins<br /> apprécier la ressemblance, on se fait bien duper! Un souvenir très déplaisant auquel me renvoie ton article. Rien ne vaut Duchemin :)<br /> <br /> <br />
Répondre