At the Rock Show (ou les Strokes au Madison)

Publié le par Fly

New York City. Ville aux multiples facettes sur laquelle tout a été dit. Aussi m’abstiendrai-je ici de tartiner des pages pour décrire ce que d’autres ont décrit tellement mieux. 

En bon guide touristique, tout ce que je conseille si vous voulez vraiment la connaître la Grosse Pomme, c’est d’y aller plusieurs fois. Pas un seul voyage, même d’une semaine. Non. Il faut y aller, partir assez longtemps, puis revenir. Pourquoi ? Parce que pour vraiment l’apprécier, il faut que vous ayez eu le temps de murir les souvenirs de votre première visite suffisamment longtemps pour créer un léger état de manque, vous donnant alors cette impression délicieuse de retrouver quelque chose sans savoir exactement quoi et vous réjouissant de tout ce qu’il reste encore à explorer.

C’est indéniable – tout le monde vous le dira – il y a à New York quelque chose qui flotte dans l’air, une énergie, une atmosphère, quelque chose d’électrique et d’indescriptible, donnant l’impression curieuse qu’il va vous arriver quelque chose de formidable, que tonight’s gonna be a good night. Ouais, I got a feeling, et vous une chanson dans la tête pour le reste de la journée !

 

New York post-9/11 était absolument détestable. C’était pourtant deux ans après « les événements ». Quelque chose de sombre et électrique – dans le mauvais sens du terme cette fois – imprégnait l’atmosphère. J’avais trouvé cette ville agressive, oppressante, repliée sur elle-même. Je me souviens avoir demandé à un flic en faction devant le NYSE, la bourse de NY – barricadée derrière des blocs de béton – si elle était ouverte et si on pouvait la visiter. Il a montré les crocs et n'a su qu’aboyer « NO ! NEVER ! NEVER EVER ! »…

Quelle surprise dès lors de retrouver New York totalement transformée quand je suis revenu l’an dernier! Peut-être que c’est moi qui avait changé, mais peut-être que c’était elle qui avait fait le deuil de son double symbole. Quoiqu’il en soit j’avais trouvé la population beaucoup plus avenante, à telle point que je dirai presque de cette ville qu’elle est anormalement friendly pour une mégalopole de près de 3 millions d’âmes, rien que sur l’ile de Manhattan.

Puisqu’il est impossible de faire le tour de cette ville – et surtout pas en un seul article ! – je vais changer ma traditionnelle description chronologique pour simplement vous faire partager quelques points marquants de mon trop court week-end, comme autant de morceaux acidulés croqués dans une Grosse Pomme… 

 

The Strokes, Intro

Pour commencer, et pour ceux qui ne les connaitraient pas, c’est un groupe de ce qu’on a appelé plus tard le garage rock ou le post punk et qui date de 1998. Originaires de New York, leur premier album – Is this it? (sorti en 2001) – a été un succès mondial. Pour plus d’infos, comme toujours, wiki

is this it

la pochette du premier album

J’avais découvert ce groupe à l’époque dans le magazine ROCK MAG (qui doit probablement encore exister). C’était le disque du mois, le carton annoncé d’un groupe qui allait soi-disant relancer le rock, en totale perte de vitesse depuis la mort de l’icône Cobain en 94. Et ils ne s’étaient pas trompés, l’Histoire leur a donné raison ! Sur leur conseil je suis allé acheter ce disque illico (oui, acheté !) et… je n’ai pas aimé ! Peut-être que mes oreilles rodées aux sons old-school des 60’s n’étaient pas prêtes pour ça. Toujours est-il que j’ai remisé le disque au placard sans autre forme de procès. Je suis retombé dessus des mois plus tard, j’ai replacé la galette dans le mange-disque et là j’ai compris… J’avais 18 ans et je me rappelle m’être dit « ok mec, ajoute ca à ta liste "a faire avant 30 ans" : voir les Strokes, chez eux, à New York ! ».

Quelques années passent et deux albums supplémentaires - très bons - voient le jour, lors que tout à coup c’est le drame, le groupe se sépare ! Raaah, adieu veaux vaches cochons, il faudra se rabattre sur la foule des autres groupes qui se sont engouffrés dans la brèche ouverte par les Strokes et qui (sur)peuplent maintenant le paysage rock. Heureusement quelques uns d’entre eux sont les dignes héritiers de leurs glorieux ancêtres ! Rock is not dead !

Quelque années passent encore jusqu’à ce qu’un jour de janvier 2011 j’apprenne au détour d’un article que le groupe se reforme et qu’un album va voir le jour en mars ! Instantanément je me rue sur internet (enfin pas la peine j’y étais déjà) pour vérifier quelles étaient les dates de concert prévues pour 2011… Californie… puis Europe… et ? C’est tout ? Damn it ! C’est quoi ces feignasses ? Et la tournée mondiale les copains? Ok tant pis, je me résigne à laisser mes potes voir le groupe au festival Benicassim de Barcelone pendant que moi je me morfondrai ici à Montréal…

Dernier acte de cette tragédie, début mars 2011. En allant écouter la radio sur le site web de OUI FM, je tombe sur une pub "gagnez deux places pour assister au concert des Strokes à New York"… Hein quoi, qu’acoustique-je ?! Je retourne encore pluuus instantanément sur le site officiel du groupe pour m’apercevoir qu’un concert a été programmé à la dernière minute, pif paf. Je reste abasourdi une seconde puis je reprends mes esprits et fait ce que n’importe qui aurait fait à ma place dans les années ‘10… je créé un événement facebook… Pas de chance, les prix des places ont flambé (merci le système nord-américain d’achat/revente de place, un vrai marché noir…) et atteignent 100$, somme que personne n’est prêt à débourser. Qu’à cela ne tienne, dans la vie faut des principes! Je respecterai donc les engagements pris 10 ans plus tôt et "j’irai à ce concert. Ooh oui, j’irai à ce concert"… (Attention, référence cinématographique rock…) car il est impensable que je manque cet événement unique (il faut savoir qu'en 10 ans d’existence ils n’ont jamais joué dans une salle aussi grande dans leur propre ville). Le plus grand parterre de voisins de leur carrière, comme j’ai lu quelque part.

 

The Strokes au MSG

Après cette immense introduction, je vais tuer le suspense : c'était…décevant ! Et je m’y attendais, d’abord parce que j’avais placé trop d’espoir dans ce show. Un peu comme quand on va voir au ciné un film que tout le monde nous a décrit comme génial, on est forcement déçu. Je m’y attendais aussi parce que j’avais pu lire quelques articles relatifs aux conditions dans lequel ce nouvel album a été pondu : peu d’enthousiasme, membres du groupe à sec d’argent après quelques side-projects passés inaperçus, et surtout un chanteur qui fait la gueule au reste de la formation, qui refuse de les voir et ne communique avec eux que par mail… Imaginez donc ce qu’on peut tirer d’un album dont le chant a été enregistré après que toutes les autres pistes aient été mises en boite. Simple : une cacophonie sans nom ! Et c’est exactement l’impression que l’on a à l’écoute de cette galette, on se demande si les gars s’écoutaient les uns les autres en jouant tellement c’est incohérent. Même les deux guitares se repondent mal. Il n'y a guère que le premier single qui mérite d’être sauvé du naufrage : 


 Under cover of darkness

 

Désolé pour ceux qui trouveront qu’il y a quelque chose à sauver là-dedans, je dis non. Je ne suis pas un critique musical, je n’ai donc pas à être consensuel, et encore moins à mettre 3 étoiles sur 5 à un album pourri pour ne froisser personne. Voila, c’est une daube ! Et si vous n’êtes pas convaincu, il reste la pochette, péremptoire preuve de la mauvaise blague qu’ils nous ont faite là : 

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la pochette du dernier album, Angles

 

Après cette parenthèse musicale un peu virulente, et pour en revenir au véritable sujet – le concert, pour rappel – on peut se demander ce que j’allais faire dans cette grosse galère de 10000 personnes. La réponse viendra plus tard, si vous avez le courage d’aller jusque là !

 

Je disais donc que d'un côté c’était incroyable d’être là pour assister à un événement unique comme celui-là – je n’arrêtais pas de me dire "Putain mec, les Strokes au Madison, et tu y es !" mais de l'autre j'ai été refroidi par deux choses importantes pour un concert et très intimement liées : la prestation du groupe et la réaction du public. 

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photo starbright31

 

Eux sont des petits bourgeois assez blasés qui ne se sont pas beaucoup donnés, en mode « on fait notre set et point barre ». Casablancas (le chanteur) est loin d’être une bête de scène et les musiciens ne bougent pratiquement pas, le bassiste en particulier était une plante en pot ! Heureusement le second guitariste, Albert Hammond Jr, s’arrachait bien sur certains titres. 

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Nikolai Fraiture, la plante verte, parle couramment français.

Nik, si jamais tu lisais ça, je t'en prie m'en veux pas, mais gigotes plus!

photo starbright31

 

Et le public! Misère! A 200$ le billet je m'attendais a ce que dans la fosse ca soit l’hystérie collective. Que dalle, les gens ne bougeaient pas ! Pas de slam (crowd surfing, en vrai anglais), pas de pogo (pogo, en vrai keupon !). Juste une forêt d'écrans de téléphone et d'appareils photos pour immortaliser l'instant au lieu de le vivre ! N'importe quoi... 

Exemple le plus flagrant sur New York City Cops, une chanson mi-pamphlet mi-moqueuse sur les flics de New York. Ca aurait du être la folie, le feu aux poudres, et pourtant rien… La même absence de réaction de l’audience. C’est là que j’ai su qu’il ne fallait plus s’attendre à rien. 

 

New York City Cops

 

La déco de la scène était très simple, voire simpliste : trois grands draps blancs de chaque coté qui servait de support aux changements de lumière et un écran LED en fond de scène. Ok, 12$ d'investissement dans le show. Seul accessoire sympa, une immense boule a facettes qui rayonnait bien dans le Madison, une arène de hockey à la base, structure de forme globalement ronde. Le système de retransmission vidéo était composé de deux écrans géants de chaque cote de la scène, mais les pauvres cameramen étaient bien peu inspirés, ce qui nous a permis d'avoir de formidables plans fixes sur le plafond de la salle, des changements de plans intempestives et malvenus et des bougés type « désolé les gars j'ai oublié la Steady Cam »... 

strokes 2

photo starbright31


Et que dire du son ! Le Madison c'est grand, c'est une belle arène de hockey, mais ce n’est pas la Scala! J'imagine que ca a dû être une horreur pour l'ingé son de rendre quelque chose de potable, même si on a l'impression qu'avec un petit effort il y aura eu moyen de rendre l'acoustique un peu meilleure, mais je m'avance un peu... 

Et le bouquet final qui m'a laissé incrédule: dernière chanson (qui n'était pas annoncé, Casablancas étant fort peu loquace, le pauvre avait l’air de tellement se faire chier avec nous), dernier accord et BAM! Les lumières s'allument et les gens sont déjà en train de marcher vers la sortie.

Je ne bouge pas pendant plusieurs minutes, affligé. Ils sont partis où les zicos? Il est où le rappel? Allo? Je suis poussé vers la sortie par le type à coté de moi à qui je bloque le passage. Je sors, abasourdi par les décibels, le regard perdu dans cette foule ovine qui n'a de rock'n roll que le t-shirt – à l'effigie du groupe bien sûr. T-shirt que j'avais d'ailleurs prévu d'acheter en souvenir de cette soirée mémorable mais que j'ai laissé accrocher finalement au présentoir. 35$ pièce alors qu'on le trouve partout, je sais que vous avez besoin de blé les gars mais là, seriously

De retour sous le ciel lumineux de la ville – il ne fait jamais nuit a New York, les affiches publicitaires de Times Square sont la veilleuse 10000 watts de la Pomme – je prenais le temps de gouter l’air en réfléchissant aux motifs pouvant conduire un public de fans à se conduire ainsi. J’hésitais entre deux hypothèses : soit le public, qui avait 20 ans a l’époque de Is This Is a tout simplement vieilli et s’est embourgeoisé, à l’image des membres du groupe, soit cette attitude est une caractéristique du public américain, une vieille réminiscence de leurs ancestrales bonnes manières britanniques… Alors que je digressais en écoutant le doux son des acouphènes, par magie j’ai entendu deux gars parler français à côté de moi. Des étudiants en échange universitaire. Ils ont assistés a quelques concerts à NY et Washington et m'ont dit avoir vu se reproduire le phénomène, l'air amusé de par ma réaction, et me laissant penser que la seconde hypothèse était peut être la bonne.

 

Quand même, un très bon point de ce concert : la set-list, composée de deux tiers de tubes des anciens albums et d'un tiers de chanson de leur dernier album. Au moins de ce point de vue la ils ont tenu leurs promesses.

Et pour finir un petit détail amusant lié au fait d’assister à un concert en anglais entouré d’un public anglophone : il faut se retenir de brailler à tue-tête les paroles, simplement parce que le yaourt-song, ça ne marche que quand les types autour de toi ont un niveau d’anglais pire que le tien !  

 

 


 

les Strokes à la grande époque

 

Malgré cet article vindicatif qu’on pourrait juger trop partial, je suis quand même content d'avoir été là, d’abord parce que je peux cocher une ligne de plus sur ma to-do-list – et en profiter pour faire un high-five à moi-même-moins-10 ans. Clap ! On l’a fait mon gars ! – mais surtout content d’avoir été là pour célébrer comme il se doit ce groupe qui m'a bien fait remuer la tète pendant quelques années. Assister à ce concert est ma façon à moi de dire bye aux années '00, et par la même occasion de rendre hommage au renouveau du Rock, apporté en premier lieu par les Strokes a l'aube des dites-années. En plus de relancer la mode des groupes en "The", ils ont redonné le goût à une flopée de petits jeunes prêts a sortir de leur garage et a en découdre, et sans qui on serait peut être aujourd'hui tous en train de gigoter comme des épileptiques sur une énième mutation de Tektonik... 

Les Strokes ont fait leur temps, et à moins d'une résurrection miraculeuse à l’image du Phénix (nan, pas le groupe), je suis au regret de vous annoncer que les Strokes sont morts. VIVE LES STROKES ! 

 

 

 


Les Strokes, live au Madison Square Garden

 

Publié dans Phénomene(s)

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L
<br /> Good job dude!!<br /> Style très bon!!!! tu t'améliores ou tu y passes d'avantage de temps?<br /> Tu me fais marrer avec tes "self high five" et tes commentaires sur NYC:" il faut y aller plusieurs fois pour s'imprégner de cette ville...":D<br /> Hey oh Mc Fly, y a qq'un la dedans?!!!! il va falloir retomber sur terre dans qq mois, fini les virées New yorkaises du week end en hotel 18 étoiles!!!! les vacances à Cuba, les virées en moto<br /> neige... :)<br /> Bon en tous cas j'ai hâte que tu rentres pour revivre à travers tes anecdotes cette vie, cet état d'esprit... qui, il faut bien le dire, est bien déconnecté de la vie en france.<br /> Sache qu'ici tout va bien mais que l'envie de repartir est toujours la, on s'en parle le 18 juin.<br /> En attendant porte toi bien mec<br /> Lude<br /> <br /> <br />
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